PPL n° 332 :
tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale
– Discussion générale –
Mardi 31 janvier 2017
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le Rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Selon les auteurs de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale que nous examinons aujourd’hui, je cite, « la crédibilité de la justice pénale est fortement érodée dans l’esprit de nos concitoyens. Sa lenteur et son laxisme sont décriés. » Face à ce constat sans appel et puisque, je cite à nouveau, « l’heure n’est plus à débattre du bienfondé de ces critiques récurrentes, il y a urgence à offrir des gages « d’aggiornamento » du fonctionnement de notre appareil répressif, à chacun des maillons de la chaîne pénale. »
Concrètement, la grande majorité des dispositions soumises à notre Haute assemblée dans cette PPL tendent à supprimer les dispositions introduites par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
La droite sénatoriale avait combattu ce texte, déposé des centaines d’amendements et crié au laxisme de Christiane Taubira, qui le portait.
Vous faites donc preuve de cohérence, mes chèrEs collègues, et peut-être aussi d’anticipation… Porté notamment par Bruno Retailleau, coordinateur de campagne du candidat de la droite, ce texte donne, je le crois, une idée assez précise de ce que défend le candidat François Fillon en matière de justice pénale.
Après plusieurs mois de primaires, de débats internes aux familles politiques, ce texte vient nous rappeler les fondamentaux de la droite en matière de politique pénale : tout répressif, tout carcéral, défiance envers les magistrats et éternel procès des socialistes accusés de laxisme, voire d’irresponsabilité.
Puis-je vous rappeler, mes chèrEs collègues, que la conférence de consensus ayant précédé à l’élaboration de la réforme pénale, que vous souhaitez aujourd’hui mettre en pièces, avait montré une chose capitale : l’échec patent de la politique pénale menée pendant dix ans.
En matière de récidive notamment, avec les peines plancher, que vous voulez rétablir aujourd’hui, et qui étaient supposées dissuader les récidivistes potentiels. Il s’est avéré que le taux de récidive avait été multiplié par plus de 2, passant de 6,4 % en 2002 à 14,7 % en 2011.
Quant au soi-disant laxisme de l’autorité judiciaire, laissez-moi vous donner quelques chiffres : le nombre de peines fermes ou partiellement fermes prononcées par les tribunaux correctionnels a crû de 10 % entre 2004 et 2015. Le quantum ferme moyen, a quant à lui, augmenté d’1 mois et demi entre 2012 et 2015 (8,4 mois aujourd’hui) alors qu’il avait baissé de 1,2 mois entre 2004 et 2012 (8,1 mois contre 6,9 mois).
Même si c’est peu surprenant, il est toujours regrettable de constater qu’à mesure que les échéances électorales approchent, les outrances et les propos démagogiques se multiplient.
Bien sûr, le groupe écologiste ne votera pas ce texte inique, mais puisque l’heure est au retour aux fondamentaux, certaines choses méritent, me semble-t-il d’être rappelées.
La justice de notre pays est en difficulté, en grande souffrance parfois et ce dont elle pâtit en premier, c’est le manque de moyens chronique. Aucune mention n’est faite dans votre proposition de loi sur les moyens que vous comptez allouer à cette réforme, d’un programme pénitentiaire qui devrait être d’une ampleur inégalée pour remédier à l’état de déliquescence dans lequel il se trouve.
Soyons pour une fois honnêtes, mes chèrEs collègues, les lois peuvent être toujours plus répressives, si les magistrats n’ont pas les moyens de les appliquer, votre volonté d’éradiquer la délinquance restera un vœu pieux et s’arrêtera à l’affichage que vous souhaitez en cette période électorale, où il faut plutôt montrer ses muscles que réformer vraiment la justice.
Je vous remercie.