Esther Benbassa : « Sensibiliser la société aux violences sexuelles est essentiel » (Terra Femina, 6 février 2017)

Ce jeudi 2 février, l’hémicycle du Sénat accueillait un débat nécessaire sur les violences sexuelles. Initié par la sénatrice EELV Esther Benbassa, il a rappelé que la parole des victimes est encore aujourd’hui trop souvent inaudible ou décrédibilisée.

Esther Benbassa les a elle-même comptés : seuls sept sénateurs ont fait le déplacement au Palais du Luxembourg jeudi 2 février pour assister au débat symbolique mais nécessaire sur les violences sexuelles. Devant un hémicycle presque vide (une vingtaine d’élus présents, presque tous des femmes dans une haute chambre pourtant peu féminisée), des sénatrices de tous bords politiques se sont succédées à la tribune avec un objectif : faire de la lutte contre les violences sexuelles un enjeu de société et encourager les victimes à briser l’omerta qui profite à leurs agresseurs.

Il y a en effet urgence à agir. Selon les chiffres du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE f/h), 84 000 femmes et 14 000 hommes âgés de 18 à 75 ans sont victimes chaque année en France de viols ou tentative de viols.

D’après une autre enquête, cette fois menée par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie en 2014, une femme sur cinq et un homme sur quatorze ont déclaré avoir déjà subi des violences sexuelles. Dans 81% des cas, les victimes sont des mineurs et, dans 94% des situations, les agresseurs sont des proches. Ces chiffres, alarmants, pourraient pourtant être en-deçà de la réalité. Car reconnaître que l’on a un jour été victime de violences sexuelles, qui plus est proférées par un membre de sa famille, relève du parcours du combattant pour les victimes. La honte, la peur d’être jugées par leur entourage ou de ne pas pouvoir supporter une procédure juridique longue sont autant de facteurs qui les conduisent à ne pas porter plainte. Actuellement, 13% des victimes de violences sexuelles portent plainte mais seules 10% de ces plaintes aboutissent à une condamnation.

Déconstruire la « culture du viol »

C’est justement pour libérer la parole de ces victimes, trop souvent tue ou minimisée, que la sénatrice Esther Benbassa a voulu initier ce débat sur les violences sexuelles. À la tribune, l’élue EELV du Val-de-Marne a souhaité rappeler que les violences sexuelles « ne sont nullement une affaire de femmes », malgré l’indifférence manifeste de ses confrères pour le débat.
Premier objectif rappelé par la sénatrice : cesser de reléguer « les violences sexuelles à la catégorie faits divers ». « La société continue de méconnaître la réalité des violences sexuelles, leur fréquence, leur gravité et leur impact. Cette méconnaissance participe à la non-reconnaissance des victimes et à leur abandon, sans protection ni soin », a-t-elle rappelé.

Cette banalisation des affaires de viols et d’agressions sexuelles participe à la construction de la « culture du viol », qui accable les victimes plutôt que de condamner les auteurs. Une enquête de l’institut IPSOS publiée l’an dernier laissait entrevoir l’ampleur du travail pour faire bouger les consciences. Pour quatre sondés sur dix, adopter une « attitude provocante » ou séductrice, flirter ou porter une tenue très sexy minimise la responsabilité du violeur. 41% des personnes interrogées estiment aussi que si on se défend vraiment autant que l’on peut, on peut faire fuir son agresseur. […]

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