Explication de vote d’Esther Benbassa sur le projet de loi prorogeant pour la sixième fois l’état d’urgence (4 juillet 2017)

PJL n° 592:

prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

(Procédure accélérée)

Explication de vote

Mardi 4 juillet 2017

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de la Commission des lois,

Monsieur le Rapporteur,

Mes ChèrEs collègues,

 

La prolongation sans fin de l’état d’urgence, « chacun le sait, pose plus de questions qu’elle ne résout de problèmes. Nous ne pouvons pas vivre en permanence dans un régime d’exception. Il faut donc revenir au droit commun, tel qu’il a été renforcé par le législateur et agir avec les bons instruments. Nous avons tout l’appareil législatif permettant de répondre, dans la durée, à la situation qui est la nôtre ». Dixit le candidat Emmanuel Macron dans son livre-programme Révolution.

Le candidat devenu Président aurait-il  oublié ces propos raisonnables ? On nous demande à nouveau de prolonger l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017, le temps de faire adopter une nouvelle loi qui institutionnalisera ce régime d’exception.

Pourquoi d’autres pays européens cibles du terrorisme comme la Belgique, l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’ont pas eu recours à l’état d’urgence ? Leur vision de la démocratie ne fait probablement pas fi des libertés individuelles que l’état d’urgence met en cause.

Ajoutons que l’état d’urgence en France n’a pas évité la tuerie de Magnanville, ni celle de Nice, ni celle de Saint-Etienne-de-Rouvray, ni celle des Champs-Élysées. Il sert surtout à couvrir nos dirigeants au cas où il y aurait un attentat.  Il permet aussi ce qu’on appelle avec pudeur « le maintien de l’ordre. »

Les chiffres fournis en décembre 2016 par le ministère de l’Intérieur font état de 4 292 perquisitions, de 612 assignations à résidence, dont aucune pour des faits liés au terrorisme.

En revanche, selon un rapport d’Amnesty International, tous les 3 jours environ, une manifestation est interdite en France sous ce prétexte.

Une fois de plus, sans trembler, je voterai donc contre l’état d’urgence.

Je vous remercie.