COP 21 : le Sénat favorable à une protection juridique des déplacés environnementaux (Actu-Environnement, 22 octobre 2015)

Le Sénat pousse la France, hôte de la Conférence Paris Climat (COP 21) en décembre, à lancer des pourparlers pour la protection juridique des déplacés environnementaux au niveau international.

Le Sénat a adopté le 21 octobre en séance la proposition de résolution, portée par la sénatrice écologiste du Val-de-Marne Esther Benbassa, visant à promouvoir des mesures de prévention et de protection juridique des déplacés environnementaux, alors qu’ils ne sont pas aujourd’hui reconnus par le droit international. Ce texte, déposé au Sénat le 15 juillet dernier par le groupe écologiste, a été approuvé « à l’unanimité des suffrages exprimés », s’est félicitée Mme Benbassa. »Il n’y a pas de navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat lors des votes sur les propositions de résolution. Ce texte est donc définitivement adopté« , a-t-elle souligné.

Cette résolution n’a pas valeur règlementaire mais « sera directement négociée » lors de la Conférence internationale sur le Climat (COP21) qui se tiendra à Paris en décembre. Les représentants de 196 Etats vont se retrouver en vue de parvenir à un accord pour limiter à 2 degrés le changement climatique d’ici la fin du siècle.

200 millions de déplacés environnementaux en 2050

Les impacts du changement climatique sur l’insécurité alimentaire et hydrique, sont source de conflits et de migrations des populations vulnérables, rappelle le texte. « Sécheresses, inondations, cyclones, tremblements de terre, glissements de terrain, fonte glaciaire, montée du niveau de la mer, érosion du littoral, sont autant de bouleversements environnementaux qui entraînent la dégradation des conditions de vie des populations humaines, jusqu’à menacer parfois leur survie« , a déclaré Mme Benbassa. Selon l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), 22,4 millions de personnes ont été contraintes de se déplacer en 2013 à la suite d’une catastrophe naturelle. L’Asie est le continent le plus touché suivi de l’Afrique sub-saharienne. Ce chiffre « pourrait atteindre 200 millions de déplacés environnementaux en 2050 », a-t-elle ajouté.

« Ne pas les bloquer dans un statut »

Or, ces personnes ne relèvent pas de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et n’ont aucune protection juridique. « Il faut être clair là-dessus : les déplacés environnementaux n’ont rien à voir avec des réfugiés politiques. Il faut surtout prendre des mesures de protection juridique de ces personnes, en respectant les droits de l’Homme et ne pas les bloquer dans un statut », a souligné la sénatrice.

Via cette résolution, « nous voulons formuler un vœu officiel afin de discuter de cette question au niveau international lors de la COP 21, que ce soit en matière de protection de ces personnes ou de prévention des risques. Nous ne pouvions donc pas faire de proposition de loi dans ce sens« , a expliqué Mme Benbassa. Il s’agit « de dépasser le traitement de ce dossier au niveau étatique par l’initiative Nansen qui est déjà très bien ». Dans le cadre de cette initiative lancée en 2012 par les gouvernements Norvégien et Suisse, un Agenda de Protection des déplacés environnementaux a été adopté par plus de 75 pays le 13 octobre dernier. « Cet agenda établit trois priorités pour une action future : l’amélioration de la connaissance du phénomène et de la collecte des données, la promotion de mesures de protection, qui incluent des mécanismes permettant de trouver des solutions durables, et le renforcement de la prévention des risques dans les pays d’origine« , a expliqué Jean-Pierre Lacroix, directeur des Nations unies au ministère français des affaires étrangères.

Des migrations internes

Les migrations environnementales « s’effectuent majoritairement à l’intérieur des Etats ou entre Etats du Sud », a souligné Mme Benbassa. « Les déplacés environnementaux n’ont donc pas les moyens de se déplacer dans les pays du Nord alors qu’aujourd’hui, beaucoup ont peur de l’arrivée massive de réfugiés « , a indiqué la sénatrice. Mais il appartient à ces pays « dits développés, grands émetteurs de CO2 contribuant au changement climatique, d’aider à protéger juridiquement les personnes déplacées et en amont, à trouver des solutions pour prévenir les catastrophes », plaide-t-elle dans sa résolution.

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui présidera la COP 21, a soutenu l’élaboration de ce texte. La résolution appelle également les Etats du Nord à assumer « leurs obligations relatives au soutien financier et technique« . Le Fonds vert prévoit que les politiques de migration et de déplacements de populations pourront être éligibles au titre du financement d’adaptation des pays. La prise en charge des pertes et dommages des populations impactées et déplacées doit être discutée à Paris.