« LE PLUS. En commission des lois, le Sénat est revenu mardi 27 septembre au soir sur plusieurs dispositions votées par l’Assemblée nationale, qui facilitaient le changement de sexe à l’état civil des personnes transgenres. Notre chroniqueuse Brigitte Goldberg dénonce ce retour en arrière, et notamment la réintégration de la médicalisation de la procédure.
C’est le mardi 27 septembre à 23h10 très exactement que se s’est ouvert au Sénat le débat sur le sort des trans. L’avantage du Sénat, c’est qu’il est proche des jardins du Luxembourg et qu’y trouver une pelle et une pioche y est chose aisée. Il n’aura donc pas fallut plus de trente minutes pour enterrer le problème.
Rappelons pour mémoire que l’article 18 quater de la loi sur la justice du XXIe siècle est censé définir les conditions du changement d’état civil. À l’origine, le Garde des sceaux avait imposé tout à la fois un amendement obligeant les trans à prouver qu’elles avaient bien une vie « sincère et continue » dans le sexe revendiqué, et prévu dans l’article en question que la personne puisse produire des éléments médicaux.
L’ensemble laissait donc toute latitude aux magistrats quand au refus de la requête.
Un texte rétrograde et dépassé
Sous l’impulsion du député socialiste d’Erwan Binet, l’amendement en question a été retiré et la démédicalisation du changement d’état-civil a été actée par la suppression de l’article 4, qui prévoyait la présentation des certificats médicaux en question.
Évidement, l’article suivant précisant que « la demande est présentée devant le tribunal de grande instance » fait de cette loi, qui aurait pu être une chance unique de voir le droit des trans entrer de plein pied dans le XXIe siècle, un texte rétrograde et dépassé.
Déjà, en 2007, l’Espagne n’imposait plus d’actes chirurgicaux pour accéder au changement d’état civil. Depuis, pour n’évoquer que l’Europe, la Norvège, le Danemark, Malte et l’Irlande ont opté pour une démédicalisation totale et une simple déclaration devant un officier d’état-civil.
On pourra d’ailleurs s’étonner que ces politiques, qui n’ont de cesse de nous vanter les valeurs européennes, ignorent superbement que l’article 6.2.1 de la résolution 2048 du Conseil de l’Europe souligne :
« la nécessité d’instaurer des procédures rapides, transparentes et accessibles, fondées sur l’autodétermination ».
Un constat médical
Le texte voté par le parlement était plus que frustrant, mais il avait au moins le mérite d’acter la séparation totale entre le changement d’état civil et le suivi médical.
Pour les sénateurs, c’était là une bien trop grande concession faites aux trans, qui n’en méritaient pas tant.
Déjà, en juin, après la réunion houleuse de la Commission mixte paritaire, censée mettre d’accord les deux assemblées sur un texte commun, Philippe Bas, sénateur du groupe républicain et président de la Commission des lois, affirmait « la nécessité d’un contrôle médical de la réalité de la transsexualité des personnes concernées ».
Il n’en fallait pas plus pour que le rapporteur UDI, Yves Détraigne ne se fasse un plaisir de dénaturer le texte original pour le rendre le plus répressif possible.
Il lui a suffit, pour cela, de réintroduire dans ce dernier la notion de « réalité médicale », attestant de la transsexualité d’une personne. C’est ainsi que :
« Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande. La réalité de la situation mentionnée à l’article 61-5 est médicalement constatée » […]
Chantal Jouanno, aux abonnées absentes
On a bien vu la sénatrice communiste Cécile Cukierman plaider vainement pour que l’on considère les trans comme des personnes responsables, en leur laissant enfin assumer pleinement la liberté de leur choix. On a vu Maryvonne Blondin , oubliant un instant que les socialistes n’avaient jamais rien fait pour ces dernières, invoquer le fantôme d’Henri Caillavet. On a enfin vu Esther Benbassa essayer d’évoquer le sort des enfants trans, ce qui était évidemment peine perdue…
Mais, dans la douzaine d’élus présents dans l’hémicycle, il y a quelqu’un que je n’ai ni vu ni entendu. Rappelez vous. En mai de cette année, une sénatrice UDI, Chantal Jouanno signait dans le journal « Libération » avec le député Yves Jégo et la présidente de Gaylib Catherine Michaud, une tribune intitulée « De l’abandon« .
Une tribune s’adressant au Président et lui rappelant les promesses oubliées, les silences, et les omissions dans ses engagements LGBT. Une tribune qui évoquait le sort des trans en ces termes :
» La proposition de loi facilitant le changement d’état civil des personnes trans n’a jamais été positionnée dans l’agenda parlementaire, oubli injuste et injustifié sur une question qui dépasse les clivages politiques. »
Et voilà que justement, lorsque la question des trans arrive au Sénat, où officie Madame Jouanno, et qu’un membre de son propre parti fait preuve à ce sujet d’un comportement plus que rétrograde, la sénatrice est au abonnés absents, tout comme le mouvement LGBT Gaylib si proche de l’UDI. […] »
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