Cannabis : « Voyons ce qu’une légalisation peut donner ! », (le Nouvelobs, 06/02/2014)

La sénatrice écologiste Esther Benbassa présente une proposition de loi pour autoriser l’usage et la vente du cannabis. Pour elle, « la prohibition ne fonctionne pas ». Interview.

Le cannabis sera-t-il bientôt vendu comme le tabac ? La sénatrice écologiste du Val-de-Marne Esther Benbassa présente ce jeudi 6 février une proposition de loi pour autoriser l’usage et la vente du cannabis, que le groupe Europe-Écologie-Les Verts (EELV) a déposé la semaine dernière. Interview.

Que signifie « autoriser l’usage contrôlé du cannabis », comme le prévoit votre texte ?

– Je me suis inspirée de la légalisation entrée en vigueur au Colorado au début de l’année.

L’administration va pouvoir contrôler l’ensemble du circuit, de la production à la vente du cannabis. Ce ne sera pas forcément l’Etat, il peut accorder une concession, des licences.

On pourra fixer combien d’hectares chaque agriculteur et chaque particulier peut cultiver, réglementer comment et où le cannabis sera distribué, combien de gramme par jour et par personne pourront être vendus, contrôler sa composition, et notamment sa teneur en tétrahydrocannabinol (THC), prévoir sur les paquets des indications « produit dangereux », comme sur ceux des cigarettes…

Il sera toujours interdit de conduire après avoir fumé, il sera interdit de vendre du cannabis aux mineurs ou à proximité d’écoles, de fumer dans les lieux publics.

Pourquoi cette proposition de loi ?

– Parce que la prohibition ne fonctionne pas. Nous sommes le pays qui réprime le plus en Europe, et pourtant la consommation continue à augmenter de manière régulière. Cette loi permettrait de combattre la délinquance et la criminalité liées à la vente illégale de cannabis et faciliterait un encadrement de la consommation chez les jeunes, qui peut être dangereuse.

Vous avez calculé ce que ce circuit légal pourrait rapporter à l’Etat…

– Enormément! D’une part, cela créerait 35.000 emplois. Je n’ai pas déposé ce texte pour lutter contre le chômage, mais si ça peut aider…

Par ailleurs, les frais occasionnés par la pénalisation actuelle (fonctionnement des tribunaux, salaires des policiers, des magistrats, prison…) représentent un milliard d’euros. Ils pourraient plutôt être investis dans la prévention et la formation des enseignants, par exemple.

On sait que le cannabis est une substance toxique avec des effets sur le cerveau, notamment sur les sujets jeunes…

– Mais les jeunes fument déjà! Ils sont 2 millions à le faire. Il faut qu’on puisse contrôler la composition de ce qu’ils consomment, d’autant qu’en effet, jusqu’à l’âge de 15 ans, le cannabis est très nocif. Passé cet âge, son usage récréatif n’est pas plus dangereux que celui de l’alcool ou du tabac, comme l’a d’ailleurs récemment rappelé Barack Obama.

Que répondez-vous à ceux qui crient au risque de banalisation ?

– Ils peuvent crier. S’ils trouvent des solutions pour faire baisser la consommation… Elle ne cesse d’augmenter. Qu’est-ce qu’on fait ? Voyons ce qu’une légalisation peut donner. Il faut être pragmatique, et pas seulement avoir des préjugés moraux. Et puis l’interdit attire.

Pensez-vous que le moment est opportun pour mettre en avant un sujet qui divise la majorité et risque de l’embarrasser, à quelques semaines des municipales ?

– Le gouvernement est gêné par tout. Par la PMA, la loi famille… Il y a toujours des élections qui se suivent et se poursuivent. En partant de ce principe, on ne pourra jamais rien faire. Je suis élue au Parlement car je défends des convictions.

Quelles chances votre proposition de loi a-t-elle d’être adoptée ?

– On ne sait jamais… En tout cas nous aurons ouvert le débat, et c’est déjà un grand pas dans un pays aussi conservateur que le nôtre.

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