Adoption définitive de la loi contre le terrorisme, qui relaiera fin juillet l’état d’urgence (AFP, 25 mai 2016)

Le Parlement a définitivement adopté mercredi le projet de loi de réforme pénale destiné à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, permettant son application dès la fin juillet, lorsque l’état d’urgence post-attentats aura pris fin.

Les sénateurs ont voté à main levée le texte issu d’une commission mixte paritaire (CMP) entre les deux chambres dans les mêmes termes que les députés la semaine dernière, ce qui rend son adoption définitive.

Aux côtés des socialistes, le groupe Les Républicains et les centristes ont soutenu ce vaste projet de loi qui traite aussi de « l’efficacité et des garanties de la procédure pénale ».

En revanche communistes, écologistes et une partie du RDSE (à majorité PRG) s’y sont opposés.

La droite s’est félicitée en particulier que le texte issu de la CMP reprenne des dispositions figurant dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste adoptée en février à l’initiative du président de la commission des lois du Sénat Philippe Bas (LR), des présidents des groupes LR et UDI-UC Bruno Retailleau et François Zocchetto, et de l’ancien Garde des Sceaux Michel Mercier (UDI-UC).

Autres apports du Sénat, l’accroissement des outils d’investigation accordés au parquet, avec la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit lors des enquêtes préliminaires, la saisie des correspondances électroniques, et l’utilisation des techniques de l’IMSI catcher permettant d’intercepter des conversations téléphoniques, ou encore la création de nouveaux délits terroristes sanctionnant la consultation habituelle des sites internet provoquant aux actes terroristes.

Les sénateurs sont aussi à l’initiative de l’instauration d’un régime plus strict d’aménagement et d’exécution des peines pour les détenus terroristes, avec en particulier des règles nouvelles destinées à assurer la « perpétuité réelle ».

Mais pour Esther Benbassa (Écologiste), « depuis son dépôt en février dernier, ce texte a été modifié en profondeur et significativement allongé, toujours dans le sens du durcissement et du tout sécuritaire ».

 

– « Pérennisation de la loi d’urgence dans la loi ordinaire » –

Donnant l’exemple de l’article introduit à l’initiative du gouvernement qui prévoit la possibilité de recourir aux fouilles intégrales des détenus, elle a estimé qu’il s’agit d' »un important recul des droits fondamentaux », qui « aura pour conséquence certaine la condamnation de la France » par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

« Je ne suis vraiment pas convaincue que l’humiliation de détenus vivant déjà dans des conditions indignes contribuera à la sécurité des établissements pénitentiaires et à la lutte contre le terrorisme », a-t-elle commenté.

De la même manière, elle a douté « que l’instauration d’une perpétuité réelle pour les crimes terroristes soit de nature à dissuader les candidats à l’attentat suicide ».

Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen) a qualifié de son côté ces deux dispositions de « particulièrement graves ».

« L’ensemble de ces mesures sera non seulement inefficace quant à l’objectif qu’il poursuit, la lutte contre Daech, mais surtout inapplicable étant donnés les moyens dérisoires alloués à notre justice », a-t-elle estimé. « Pire encore, ce projet de loi vient entacher notre droit pénal de mesures sécuritaires de surenchère populiste et émotionnelle ».

« Nous ne pouvons pas partager certaines orientations fondamentales de ce texte », a dit Jacques Mézard (RDSE). Estimant que ce texte est « une co-production des deux groupes dominants du Sénat », il a ajouté qu’il « est la pérennisation de la loi d’urgence dans la loi ordinaire ».

De son côté, le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas s’est félicité que « ce texte vien(ne) consolider un modèle français de lutte contre le terrorisme ».

« Avec ce texte (..), nous armons la République pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé sans avoir à recourir à l’état d’urgence », a déclaré le rapporteur Michel Mercier. « La menace étant latente et permanente, il nous fallait des outils de lutte eux aussi permanents dans notre droit commun ».

L’état d’urgence mis en place après les attentats de novembre avait été prolongé une troisième fois la semaine dernière par le parlement.